Ce que j'en dis #1

Je regarde en photographiant avec mes mains. La pensée n’est d’aucun secours. Il faut oublier les yeux.
   
L'élan comme seul repère.
La photographie est ici pratiquée comme un possible miroir tourné vers soi mais également comme espérance d’une traversée. Comme si la photographie, pourtant si concrète, permettait de s’extraire vers un ailleurs. Comme si ce qui était photographié devenait d’emblée désincarné, luciole fantasmatique dans le ciel de la psyché. Le nombre des années n’est pas compté pour accéder à une expression défaite de ses impuretés.

Récit en suspend, le temps à l’oeuvre.
Le langage couvre le monde d’un voile qui le rende habitable. Ici, comme une parole en psychanalyse, la photographie est accumulée pour que se resserre le récit autour des cercles que dans sa fuite l’esprit décrit. Et si la vérité n’existe que dans la perfection trouble du mythe, on espère qu’un jour le récit contenu pour ce qu’il est dans ces photographies, toujours le même, inlassablement répété autour des mêmes variations, soit exprimé avec la clarté que je recherche.

Photographier l'invisible.
Cela se traduit par une sorte de mystique de la photographie. Mystère de l’ordre du monde. Mystère du silence en soi. J’use ainsi de la photographie selon sa nature fantastique. Il n’est pas question d’âmes volées ou de fantômes – encore que – davantage d’une quête spirituelle et psychique. La pratique est celle d’une ascèse quotidienne dictée par une puissante impression de perte. Les images sont le résultat d’une tension entre impuissance et désir. Le projet est toujours le même : celui d’une improbable élucidation de l’existence. « Chacun de nous ne parle qu’une seule phrase, que seule la mort peut interrompre » (Barthes cite ici un confrère lors d’une interview). Alors je cherche les termes de cette phrase dans les images que mon appareil produit. Mystère de l’image photographique, de l’oubli où elle s’enracine autant que de sa révélation.

MM