L'oublié_notes07

Hervé Guibert, L'image parfaite, in L'image fantôme, Editions de Minuit, Paris, 1981.

"Si je l'avais photographiée immédiatement, et si la photo s'était révélée "bonne" (c'est-à-dire fidèle au souvenir de l'émotion), elle m'appartiendrait, mais l'acte photographique aurait oblitéré, justement, tout souvenir de l'émotion, car la photographie est une pratique englobeuse et oublieuse, tandis que l'écriture, qu'elle ne peut que bloquer, est une pratique mélancolique, et la vision m'aurait été "retournée" sous forme de photographie, comme un objet égaré qui pourrait porter mon
nom, que je pourrais m'attribuer mais qui resterait à jamais étranger (comme l'objet, autrefois intime, d'un amnésique) ?