FACE A
Je passe mon temps à avaler
pressé par une fatalité que j’ignore
dépêche-toi on va être en retard
sans cesse
je baise avec anxiété
« mets tes chaussures! » je lui hurle
« tu mets tes chaussures! »
boire l’ivresse à crever d’une cirrhose
je presse mes mains sur son corps
« mets tes chaussures! »
incapable de goûter l’odeur de sa peau
je mélange tout
sa mère se tient derrière nous, interdite
je vous déteste tous
j’avale mon café, paye, déboule dans la rue
les visages glissent
faut foutre le camp, souffler, regarder le ciel et
habiter quelque part, enfin.
FACE B
Le sourire étudié qu’elle se plaît à me lancer chaque
fois
Ses évidences qui pour d’autres sont des mystères
Le jais de sa chevelure
L’air délicatement déposé
Folle espérance
Le refuge d’une forêt sans confins
La douceur passée d'une rivière aimée
Profondeur d’un lac immobile
Voir venir car l’âme est prête
Clarté d’une eau sans appréhension
La possibilité d’une bienveillance
La nécessité d’être
L’allégresse
La paix, l'espace d'un instant.